Récit : une Ourse au Sun Trip 2018

Août 30, 2022 // By:Philippe // No Comment

C’était il y a quatre ans, elle était la doyenne de la course, et elle l’a fait !
Voici son récit, écrit spécialement pour le site des Ours de Glandasse, un grand merci à elle.

Mon Sun Trip 2018 : Lyon- Canton en vélo solaire

Le challenge était de relier Lyon à Canton en vélo solaire en moins de 100 jours sans jamais se brancher à une prise électrique en totale autonomie. Il fallait donc aller vite. J’ai tracé mon itinéraire en fonction de l’orthodromie et en évitant la montagne.
Partie de Jonchères (Drôme) pour rejoindre le camp de base à Lyon, j’ai ensuite traversé huit pays : Suisse, Italie, Slovénie, Hongrie, Ukraine, Russie, Kazakhstan, Chine. Comme le départ officiel était à Chamonix, il m’a fallu quand-même traverser les Alpes (je n’ai vu aucun loup) et les Carpates (pas vu d’ours).

Lors de ma première étape (Chamonix > col de Simplon en Suisse), j’ai parcouru 150 km et grimpé 2700 m de dénivelé positif. J’ai vidé mes batteries et devrai attendre le Kazakhstan pour les remplir, mais j’ai rempli mon mental : je peux le faire… And… I did it!
D’ailleurs je me demande encore comment j’ai pu le faire… Comme je prenais les routes à grande circulation, certains jours mon seul objectif était d’être encore en vie à la fin de la journée. Pas de tourisme mais un accueil fabuleux partout et bien sûr de fabuleuses rencontres. J’ai vu des paysages époustouflants, des chameaux, la mer d’Aral évaporée, de très hautes montagnes et des plus petites, l’Ukraine que rien que de prononcer son nom je pleure… Quelques cascades et mon bavardage habituel m’ont valu le 1er prix du public.

J’ai affronté la pluie, le vent, la circulation, les routes cassées (surtout en Russie), le soleil brûlant du Kazakhstan, le froid glacial à la frontière du Tibet, j’ai fait une moyenne de 150 km par jour, mon record étant 204 km (conditions idéales, soleil, bonne route, vent froid qui refroidit le panneau solaire). J’ai pleuré, ri, dansé, pensé à abandonner ? Jamais…
J’ai eu des couchers de soleil fabuleux, ai bivouaqué un peu n’importe où (sur le parking d’un cimetière en Italie, seule au monde à la belle étoile dans la steppe du Kazakhstan), dormi chez l’habitant, même en Chine (très compliqué)… J’ai tenté d’échapper à la police chinoise au Xingyang trois fois, ai fait moult escortes policières la nuit dans le  vent, n’ai eu qu’une seule crevaison sur mon vélo, suis devenue une star, articles de journaux, 6 millions d’audience à la télé, j’aime ça…
On m’a pris pour une mendiante, une prostituée, une journaliste, une dingue… J’ai perdu 12 kg,
ai apprécié l’eau chaude et les repas offerts partout, ai pesté contre mon GPS lorsqu’il parlait sumérien… J’ai appris l’électricité, le solaire, le chinois non (j’ai utilisé un traducteur). J’ai fêté mon anniversaire (70 ans) à la la frontière entre la Russie et le Kazakhstan, là m’attendait Mickaël, sun-tripeur tchèque avec… une plaque de chocolat…

13 000 km sans assistance dont 10 000 rien qu’au solaire, une arrivée épique à Canton la veille de la fête nationale avec une carte SIM périmée donc coupée du monde, une circulation d’enfer, un moteur qui faisait des siennes tantôt bondissant, tantôt s’arrêtant, ce qui sur les voies rapides montantes et descendantes était plutôt stressant… Des émotions à profusion… Voilà, c’était mon Sun Trip Lyon-Canton en 2018, une aventure incroyable, à faire une fois dans sa vie… Parce que quand même c’était très dur…

Le vélo solaire ?

Un vélo, il faut pédaler. En l’occurrence mon vélo est un vélo sur mesure fabriqué par Vagabonde Cycles, artisan de la Drôme, il est en acier, très solide, très confortable, un peu lourd (17 kg). Je l’ai depuis onze ans, peut-être a-t-il fait une ou deux fois le tour de la terre, il a goûté aux deux hémisphères et je l’aime…

Le vélo est assisté par un moteur (un gros), lequel est alimenté par deux batteries de 48 volts, lesquelles sont chargées grâce à un panneau solaire monté sur une remorque. Entre tout cela, beaucoup d’électronique (un régulateur MPPT qui transforme l’énergie solaire en énergie électrique, un contrôleur du moteur ainsi qu’un cyclanalyst, véritable ordinateur de bord qui contrôle tout et me dit tout, ce que je charge, ce que je consomme, la vitesse, le kilométrage, etc., un accélérateur et un frein moteur, mon vélo régénère à la descente quand je freine et comme je freine beaucoup il régénère beaucoup.

L’inconvénient de ce vélo solaire : il est très encombrant, très difficile à manœuvrer et très lourd, environ deux fois mon poids,  je l’appelle mon semi-remorque. Contrairement à ce que beaucoup de gens imaginent c’est très physique, c’est très difficile. Par rapport à un vélo normal dit musculaire je trouve que ça demande plus d’efforts mais ça permet d’aller plus vite et plus loin et, dans les montées, ça aide, même si le moteur chauffe et nécessite de faire des pauses quand la pente est trop forte.

Il y a deux ans grâce à ce vélo j’ai traversé les Pyrénées par la route des cols, très beau, très sauvage, j’ai beaucoup fait chauffer le moteur dans les cols à 14%. Le pire étant le col de Marie Blanque que j’ai haïe longtemps jusqu’à ce que j’apprenne que c’était un oiseau migrateur qui avait donné ce nom à ce col… Mon petit plaisir quand les conditions météo sont bonnes : grimper au Mont Ventoux et de tous les côtés, mon préféré restant par Bédouin.

Mon voyage au Maroc devait être un voyage plaisir, j’avais même emmené ma boîte d’aquarelle… Ce fut une lutte infernale contre le vent dans des paysages à tomber par terre,s mais ce furent les chiens qui me firent chuter. Je garderai quand-même le souvenir d’un désert envoûtant, d’un Atlas impressionnant, d’un peuple berbère fier de ses origines et d’une hospitalité n’égalant que celle des habitants d’Amérique du Sud, des gens pauvres qui t’invitent à leur table, qui te laissent leur lit pour dormir, qui gravent ton cœur à jamais…

Françoise

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